Le mensonge est sénégalais !

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Il y’a quelques jours, en parlant avec un aîné, un entrepreneur ayant réussi, il me dit ceci : « Pardonne-moi pour ce que je vais te dire, et que Dieu me Pardonne aussi, mais le sénégalais n’a qu’un seul Dieu, et c’est l’argent. Il est prêt à voler, à trahir, à écraser, surtout à mentir pour avoir cet argent. »

Nous en parlions déjà dans un de nos précédents articles (« Ay xéttou door »), le sénégalais a maquillé ce défaut, cette tare, cet aspect satanique de sa personnalité avec le mot « door ». Nous n’avons pas honte de mentir, et pour tous types de raison, de la plus petite à la plus importante, même si mentir, c’est mentir, peu importe la raison pour laquelle on ment.

Dans un pays qui se dit croyant, avec aussi bien des musulmans que des chrétiens, le mensonge, qui est pourtant un péché majeur, est porté par tout un chacun. Cela commence déjà par ce fait religieux où la plupart se dit croyant mais continue de fréquenter assidûment les « marabouts féticheurs » qui pullulent dans le pays, où on continue de faire des sacrifices aux « xaamb » de la famille, où on s’attache une ribambelle de gris-gris qui font office de gilet par balles. La foi est un mot galvaudé au Sénégal. Même si elle est supposée être intime, on ne peut pas rester insensible face à ces actes, surtout lorsqu’ils sont « autorisés » par des imams corrompus et des chefs de maisons religieuses trop occupés à se battre pour avoir le « talibé » le plus fortuné à leurs côtés. Tout est toléré, tout est excuse pour intégrer ces pratiques païennes dans la sphère religieuse.

Table d’un vendeur de gris-gris, à Dakar.

Le mensonge est aussi présent dans nos administrations publiques. Pour le savoir, il suffit d’essayer de réaliser un acte administratif en essayant de suivre les règles. On vous barrera la route, on vous dira que telle personne ou autre est absente, que tel document est nécessaire alors qu’il ne figurait pas sur la liste officielle, ainsi de suite, ainsi de suite. Tout est manifestement fait pour vous faire emprunter un chemin fait de pourboires et de « nexxal » à destination de tous les acteurs de la chaîne. Dès lors, votre démarche ira au bout, en des temps records. Le mensonge est là, à chaque bureau, chaque étage. Ici, il est inclus dans la corruption systématique et étatique de notre pays.

En général, nous, sénégalais, avons un défaut. Nous ne savons pas dire « Je ne sais pas » lorsqu’on nous pose une question dont on ignore la réponse ou lorsqu’on est embarqué dans un débat sur un sujet que nous ne maîtrisons pas. Il faut dire que nous sommes un peuple bavard, qui préfère passer des heures sur, la plupart du temps, des sujets d’actualité soigneusement distillés par des médias eux-mêmes corrompus et premier distributeurs d’informations mensongères. Vers l’après midi ou le soir, vous verrez très souvent des groupes se former dans les maisons, des coins de quartier, les « grands places » des vieux. Cela fait partie de notre tissu social, une séance de psychologie collective à chaque fois.

Nous ne critiquons pas ce phénomène, loin de là. Ce dont nous souhaitons parler est ce penchant au mensonge de certains de ces débateurs. Nous en avons été témoins très souvent. Combien de fois ces gens n’ont-ils pas inventé des histoires contre des individus de leur quartier ou des personnalités publiques ? Combien de fois n’ont-ils pas commenté à tort des histoires dont ils n’ont jamais été témoins oculaires ? Or, ces lieux forment notre base sociale. Si les « sachants » qui y sont véhiculent des mensonges non vérifiés ou eux-mêmes sont adeptes de la calomnie, quelles leçons retiendront les jeunes ? Que retiendront ils aussi si le message des aînés est que « xalyss kène dou ko liguey, da nga koy lidjeunti », ou que « Lepp ay door leu » ?

Illustration de « l’arbre à palabre ».

Qui n’a jamais fait l’objet d’arnaque dans ce pays ? De la part de membres de sa famille, de ses amis, de collègues, de prestataires de services, de vendeurs… ? Les arnaques, qui sont au final une accumulation de mensonges censées aider à léser une personne de son argent et/ou de ses biens, sont monnaie-courante au Sénégal.

Mais d’où vient tout ce mal, ce besoin de mentir à tout instant, à tout le monde pour atteindre son but ? Nous n’avons pas fait d’études approfondies sur le sujet, mais notre vécu nous a appris une chose, l’éducation de base a échoué dans nos foyers. Le mensonge a commencé avec ces pères de famille qui passent leur temps à draguer les jeunes filles pour ensuite jouer les moralisateurs ou qui véhiculent des valeurs de « door » à leur progéniture. Il a continué avec les mères de famille qui disent croire en Dieu mais qui marchandent leurs jeunes filles aux plus offrants, en n’oubliant que le prétendant doit être de la « bonne caste ». Il est encore présent avec ces jeunes désœuvrés qu’on retrouve dans ces mêmes familles, malades mentaux ou schizophréniques, « sacrifiés » par leurs parents ; Tout le monde connaît la cause de leurs maux, mais personne ne fait rien, ni ne parle. Les foyers n’éduquent plus, ils cultivent le mal plutôt.

Les mosquées ne jouent plus leur non plus, les imams sont trop occupés à se battre pour être au-devant de la scène et recevoir les dons. Le khoutba du Vendredi dernier portait pourtant sur l’aspect éphémère de la vie. Les maisons religieuses ont aussi failli. Elles sont devenues des multinationales de la foi, où, peut importe que le « talibé » soit un voleur notoire ou un charlatan, il sera accueilli à bras ouverts et même sera sorti de prison si nécessaire, tant qu’il leur verse leurs parts sur sa forfaiture. Ces marabouts nous mentent à longueur de journée, mais nous sommes tous aveugles, ou préférons l’être.

L’école aussi a failli, depuis longtemps, c’est le premier pilier qui soit tombé. Comment comprendre que les programmes soient obsolètes et que les conditions dans les classes soient déplorables ? Comment comprendre toutes ces grèves qui font perdre aux enfants et jeunes adultes des heures d’éducation ? Comment comprendre que ces milliers de jeunes soient systématiquement orientés vers des filières « mortes » chaque année, avec malgré tout, des promesses d’emploi à la clé ? Le système éducatif sénégalais ne profite dorénavant qu’à la population riche du pays, capable de payer des écoles privées pour leurs gamins. C’est là le premier mensonge.

Symbole de l’escroc.

La maison ne nous apprend plus à dire la vérité. Les religieux n’ont plus le temps de faire des rappels sur l’importance de la vérité. L’école n’apprend pas la vérité aux Hommes, elle ne leur apprend plus tout court. Conséquence ? Nous sommes devenus un pays de menteurs.

Yeewu jotna !

2 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Ndiaye dit :

    Malheureux mais vrai.
    Sujet nécessitant d’être dans les débats télévisés,ainsi que de sensibilisation par les chefs religieux pour mettre un frein à ce mal.

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  2. Fredinho dit :

    Un article qui résume bien, malheureusement la situation de notre pays. Le mensonge est ancré dans nos mœurs c’est triste pour un pays de croyants. Yallah nagnou Yallah Yeureum.

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